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Interview: Benjamin Faure, Cabinet Boury, Tallon et Associés

28 février 2018

« Les éditeurs peuvent apporter beaucoup aux pouvoirs publics »

Benjamin Faure est directeur conseil chez Boury, Tallon et Associés, qu’il a rejoint en 2011. Auparavant, il a travaillé successivement en cabinet ministériel à Bercy et comme assistant parlementaire auprès d’un député. Il évoque les débuts du partenariat entre le cabinet Boury et Tallon et l’Association SDDS, les perspectives ouvertes par un renforcement des relations institutionnelles et les changements dans le fonctionnement de l’action publique depuis mai-juin 2017.

Quel est votre rôle au sein du cabinet Boury et Talon ?

Je suis en charge du suivi d’un portefeuille de clients très divers. C’est notre particularité : nous sommes un cabinet généraliste, qui touche à tous les sujets. C’est une volonté assumée de notre part, pour fournir un meilleur service : nous souhaitons conserver un regard ouvert, extérieur, sur les problématiques de nos clients. Nous n’avons pas vocation à être de meilleurs spécialistes qu’eux sur leurs propres sujets. Nous leur apportons notre expertise du monde politique. Nos clients, de leur côté, ne peuvent pas forcément avoir le recul suffisant vis-à-vis des pouvoirs publics. Un député est amené à s’exprimer sur un nombre important de textes ; sur chaque thématique qu’il découvre, il doit se trouver un positionnement, avec un regard assez généraliste. Nous devons arriver avec des arguments qui les convainquent, qui leur parlent. On ne peut pas les aborder uniquement avec des éléments techniques.

Comment s’est passée votre rencontre avec SDDS ?

Isabelle Van Cauwenberge et Véronique Montamat nous ont approchés, et sont venues nous exposer les problématiques de l’Association. Elles nous ont expliqué que les éditeurs souhaitaient être davantage écoutés par les pouvoirs publics, et être intégrés plus tôt dans le processus d’élaboration des textes qui ont des conséquences sur leur métier et sur leurs clients.

Connaissiez-vous l’Association ?

Nous connaissions bien sûr, comme toute entreprise, les métiers de la paie et les logiciels qu’ils mobilisent. Mais nous ne savions pas qu’il y avait derrière ces outils des éditeurs organisés en association. En creusant le sujet, nous avons compris tout l’intérêt et les atouts de SDDS, en particulier sa capacité à se poser en facilitateur dans l’élaboration des textes concernant la paie. Il nous est apparu que SDDS méritait vraiment d’être écouté par les pouvoirs publics, et bénéficiait de véritables atouts pour y parvenir.
C’est là qu’intervient notre métier et notre expertise des techniques de relations institutionnelles, qui consistent à faire en sorte qu’un acteur soit entendu par les pouvoirs publics. Il s’agit de faire en sorte de ne pas rester dans la main d’une seule administration, mais de monter au niveau supérieur, au niveau politique. Cela inclut les relations avec les parlementaires et avec les équipes des ministères concernés. C’est ainsi que nous avons obtenu la venue d’Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Nous avons également organisé la rencontre avec Cendra Motin, parlementaire LREM impliquée dans ces thématiques – et elle-même issue du métier de l’édition de logiciels de paie.
C’est la somme d’actions de ce type qui permet à une association comme SDDS de se faire voir, entendre, respecter, rencontrer. Les administrations, notamment la direction générale des finances publiques (DGFiP), pourront être approchées de manière un peu différente désormais.
Bien sûr, SDDS doit se montrer à la hauteur derrière, apporter son expertise, ses propositions, manifester sa volonté d’avancer et sa bonne foi. Il ne s’agit pas de réussir un « coup » ponctuellement, mais d’instaurer un flux de rencontres, d’aller voir les gens, de se montrer réactif quand l’administration demande quelque chose…

Par exemple ?

Sur le prélèvement à la source, qui se prépare pour 2019, les éditeurs peuvent apporter beaucoup à l’administration, au législateur, aux pouvoirs publics. Le fait d’être mieux identifiés facilitera le processus. La visibilité obtenue grâce à la venue du secrétaire d’Etat a donné une belle impulsion. Nous allons continuer en travaillant les relations avec les parlementaires. Sur des sujets comme les mesures contenues dans les lois de financement de la Sécurité sociale, ou comme la traduction du RGPD dans la loi Informatique et Libertés, il y a des choses qui doivent être pensées très en amont, pour faciliter à la fois le travail des pouvoirs publics et celui des éditeurs. Mieux la loi sera rédigée, plus elle sera aisée à mettre en œuvre.
Nous avons également un rôle d’information, de veille. Il s’agit de tenir SDDS informé le plus en amont possible des textes qui se préparent sur les sujets qui impactent le logiciel de paie. Par notre travail au quotidien auprès des parlementaires, nous pouvons être au courant des sujets au moment où ils émergent, dans les réunions de commissions, les amendements, etc.

Quels sont les principaux sujets sur lesquels vous vous mobilisez ?

Le prélèvement à la source, comme je le disais, est un thème important cette année. Mais il y en a bien d’autres : la certification des logiciels de caisse, la suite de la mise en œuvre de la DSN, l’évolution du bulletin de paie, la gestion des données personnelles avec le RGPD, les nouveautés du projet de loi des finances pour 2018…
Les chantiers de réforme vont se poursuivre pendant tout le quinquennat. A chaque loi de financement de la Sécurité sociale, il peut y avoir des éléments qui concernent SDDS. A ce point de vue, l’Association est un client particulier : l’étendue des sujets législatifs à surveiller est très vaste. Quand on travaille pour un acteur d’un secteur très défini comme le tourisme, par exemple, ce n’est pas le cas. Avec les éditeurs de logiciels de paie, le champ est très large, et le sujet très complexe. C’est un challenge passionnant pour un cabinet comme le nôtre. A l’exception des techniciens de l’administration, les représentants des pouvoirs publics et les députés peuvent être rebutés par cette complexité. A nous de les y intéresser.
La tâche est un peu moins difficile aujourd’hui, parce que le niveau d’expertise des parlementaires est un peu plus élevé sur ces questions. On est passé d’une dizaine de chefs d’entreprise à une quarantaine : ce sont des gens qui connaissent les problématiques de la paie. On a maintenant à l’Assemblée un panel issu de la société civile, qu’il est un peu plus facile de sensibiliser à ces questions.

D’une manière générale, les choses ont-elles changé depuis mai dernier et l’arrivée au pouvoir de la nouvelle équipe « En Marche » ?

Oui, c’est clairement le cas. Les relations avec les parlementaires ressemblent aujourd’hui beaucoup plus à de vraies relations de travail. Auparavant, quand on allait voir des députés avec nos clients, on était dans une relation courtoise, mais un peu verticale, avec un élu qui nous écoutait poliment et nous disait « on va voir ce qu’on peut faire ». On était vraiment dans la représentation. Aujourd’hui, on est dans une relation d’égal à égal, avec des députés qui nous disent « qu’est-ce que je peux faire pour vous, comment puis-je vous aider ». Le fait que beaucoup d’élus viennent du monde de l’entreprise change le ton.

Et du côté de l’administration ?

Il n’y a pas véritablement d’évolution, sauf sur un point notable. Les cabinets ministériels ayant été réduits dans un souci d’économie, il arrive de plus en plus que les ministres demandent à leurs directeurs généraux d’administration d’intervenir directement dans les travaux. Auparavant, c’était le cabinet qui assurait l’interface. Ce lien renforcé entre techniciens et politique représente un changement significatif. L’administration est davantage « obligée » par les décisions politiques. Quand Olivier Dussopt est venu au Comité stratégique de SDDS, il était accompagné d’un membre du cabinet du ministre et d’une représentante de l’administration. Le DGFiP lui-même a eu un empêchement de dernière minute, mais il était prévu qu’il vienne. Auparavant, les ministres et secrétaires d’Etat se déplaçaient uniquement avec des membres de leur cabinet.
Ce nouveau mode de fonctionnement confère donc un rôle plus politique à l’administration. La culture va évoluer progressivement, avec ces nouvelles façons de travailler. C’est l’un des objectifs de la loi « pour un Etat au service d’une société de confiance », qui vise entre autres à apaiser les relations entre l’administration et les entreprises.
Le programme « Action publique 2022 », lancé par le gouvernement en octobre dernier pour transformer le service public et la façon dont il est délivré, va dans le même sens, même s’il n’y a pas de traduction législative envisagée pour le moment.

Quelques mots de conclusion sur ce partenariat avec l’Association SDDS ?

Quand nous avons rencontré SDDS et que nous avons compris son fonctionnement et sa finalité, nous nous sommes dits que l’Association méritait d’être mieux connue et reconnue. Par rapport à la connaissance que nous avons des pouvoirs publics et de leur fonctionnement, nous pensons qu’il y a des choses à faire pour monter d’un cran. La signature de la charte avec la DGFiP à Bercy sur le prélèvement à la source est un premier résultat. Il faut continuer, maintenir cette relation. A SDDS de continuer à avoir des idées, des propositions, des initiatives, pour alimenter une relation constructive avec les pouvoirs publics et l’administration !